Lectrice heureuse, liseuse frileuse

M’Zèle Divine attend un livre

Mike, tu le sais, je ne suis pas vraiment contre, pas vraiment pour non plus, pas rétro « c’était mieux avant », pas conservatrice pour un slip, pas vieille France, pas vieille tout court mais je me pose quand même une question (de taille) et j’en déteste déjà la réponse (prévisible). Comment ferai-je désormais avec une liseuse pour satisfaire à une de mes curiosités favorites : connaître la lecture des gens dans la rue ? Parce que s’il y a une bien une chose qui provoque chez moi torsions, contorsions et mutation en « Indiana Jane à la recherche du titre caché », c’est un livre qui prend l’air entre de bonnes ou mauvaises mains. La tête à l’envers et l’épaule de travers pour mieux répondre à l’appel de la couverture baladeuse et c’est parti pour une charge de réflexions que je ne partage qu’avec moi-même, une critique onaniste à la lumière de clichés bien réels (ou pas), super jouissive même que.

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La blonde attend Marc Lévy. Et si c’était lui ?

Au fond du bus, un geek à lunettes, 20 ans pas tassés , sweet à capuche à l’effigie de Maître Yoda (clope au bec et lunette de mafieux façon Scarface),  rejoint la terre du milieu en compagnie du Seigneur des Anneaux  (Tolkien, m’en doutais); A une terrasse de café, une blonde, tee-shirt collé à la peau de seins explosifs, se triture le chewing-gum derrière une couverture crème à bandeau rouge (Marc Lévy… pfeuuu) ; dans un parc, sur un banc, un post trentenaire passe-partout, pull jean baskets chaussettes, gris, noir, blanc, dévore Marx (possible de passer à autre chose, politiquement je veux dire ?) ; debout, dans une rame du métro un père et un mère à tendance japonisante, entourés de leur deux enfants se partagent un fin livret vert (les horaires du métro, me suis courbée pour rien !) ; sur un transat en ville place de la mairie, une brune, tee-shirt mal collé à la peau de seins chétifs, se triture le chewing-gum derrière une couverture bleu azur à gros caractères rouge (Guillaume Musso… pfeuuu)

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La choucroute mauve attend les imbéciles

Puis, les connaissances, les insolites, les rares, à qui nous pourrions offrir un verre de pif/apéro à rallonge façon Divine/Hammer à la maison, parce qu’en pleine déflagration avec des auteurs compagnons : la fumeuse compulsive, coupe graphique, jean moulant et plateforme shoes en mode 13eme note éditions, assise sur la banquette des Limousines blanches et Blondes platines de Dan Fante (les pétasse ne lisent pas Dan Fante, je grille une clope avec toi !) ; le blackcheveux grisonnants, café qui refroidit et tablette tactile sur la table, qui ne lâche pas la Malédiction Hilliker de James Ellroy (Je l’ai réservé à la bibliothèque, il arrive en fin de semaine, on en reparle ?), le bonhomme grassouillet aux odeurs de transpiration, de tabac froid et de vin chaud qui partage Une vie ordinaire avec Georges Perros (ami, connais-tu Douarnenez ?), la rousse aux traits fins fatigués, maquillage défait, imperméable démodé et chaussures à lacets en cuir mou, absorbée dans la Faculté des rêves de Valérie Solanas (tes tripes se retournent-elles comme les miennes dans l’écriture uppercut de Sara Strisberg ?), le chauve à la maigreur hivernale, sac déchiré, Docs Martens et manteau noirs qui découvre ou retrouve Jérôme (ne jamais hésiter à se prendre un coup de Martinet derrière la tête), la mamie chétive aux poils du crâne mauves qui se marre dans le sillage de Ignatius Reilly pour conjurer tous les imbéciles du monde à l’instar de John KennedyToole (j’avoue, invention/connerie/fake ce que tu veux Mike, évidemment jamais croisée une telle mamie mais j’aimerais) et tant d’autres.

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Jérôme n’attend plus rien

Maintenant, imagine-moi dans la rue ou dans un autre lieu à rencontre inconnu/livre/m’zèle Divine potentielle, je tombe nez-à-boîtier avec une liseuse. A moins de coller la tête sous le menton de mon chauve absorbé par Jean-Pierre Martinet, ou de lui arracher l’objet des mains (et de me prendre soit un pain, soit une plainte), je ne le reconnaîtrais jamais comme un partenaire d’apéro/discussion( ou pas…parce qu’il m’aura avoué que l’écriture de Jérôme, moyen son truc) ! Mais pour le savoir, encore faudrait-il apercevoir le contenu de sa machine électronique. Donc, admettons que j’aligne ma démarche sur la sienne, que je me colle contre son manteau  (à ce moment, déjà, il aura remarqué mon manège et m’aura renvoyée sur Pluton d’un coup de docks bien placé ou prise pour une chaudasse en mal de mâle), comment parvenir à mes fins à une telle distance ?

Nouveau problème, pas de couverture, donc pas de titre, pas de renseignement extérieur, peanuts, quedal, des clous. J’aurais eu l’air quiche et en plus je me serais casser les dents, genre sur les pavés de la rue le Bastard un samedi noir de monde pour mieux me taper la honte.

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Mike Hammer attend son bain moussant

Oui, j’avoue, j’aime l’objet livre, le regarder, le toucher, le palper, le balancer, le plier, le mouiller, l’écorner, l’emprunter (mais pas le rendre lorsque je l’ai aimé) parfois le noyer dans l’eau du bain. A propos de l’eau du bain, nouveau couac, là encore la liseuse ne tiendra pas la route, Mike, tu te vois patauger avec ta boîte, lui tripoter les touches électroniques avec tes gros doigts mouillés comme on tourne les pages d’un livre ? Et imagines-tu, en cas de vague subite provoquée par un dérapage malencontreux de ton nez contre l’émail de la baignoire (ou toute autre raison qui n’appartient qu’à toi), eau rage, eau désespoir, de l’eau dans le système, bousillé le bouzin, direction la poubelle. Au prix d’une liseuse (100e minimum), mieux vaux racheter un livre d’occasion inondé à 2e.

Enfin, je préfère les livres aux fleurs, je préfère les livres aux  bijoux, je préfère les livres aux fringues, aux voitures, aux peintures… et souvent je préfère les livres aux Hommes (mais tu ne m’offres jamais des Hommes), alors à l’avenir, tu feras comment pour m’offrir un livre ?

Visualise la scène :

_ « Tiens ma Divine, surpriseeeee » une main tendue remplie de vide.
_ « Merci… mais où est ton cadeau ? Je ne vois rien ! »
_ « Alors tu vas sur Internet, tu ouvres ta messagerie, je t’ai envoyé un mail, tu cliques sur le lien, tu télécharges un Kindle, tu ouvres et tu lis !
Ah oui… mais non ! Encore une fois, je préfère OUVRIR, TOUCHER, REGARDER, et puis LIRE en éprouvant un contact physique direct avec l’objet (c’est nul comme cadeau un lien Internet pour un livre) (c’est comme assouvir une envie de baise dans un monde virtuel, propre, efficace et sans trace) (Merde, je dois être un peu conservatrice du livre)

« Et puis, la liseuse, c’est pas elle, c’est moi ! » objecterai-je d’une voix chonchon.
« Nan, toi t’es une lectrice, pas une liseuse et puis l’important, c’est l’histoire pas le support non ? C’est l’écriture elle-même qui doit te faire décoller l’imaginaire ! » me répondras-tu mon Mike, gavé par mes jérémiades.
Oui, erreur, c’est vrai, je suis une lectrice, mais une lectrice qui ne souhaite pas vraiment qu’une liseuse de mauvaise aventure s’interpose entre une histoire et elle.

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La liseuse attend son tour.

*(J’avoue je n’ai jamais utilisé une liseuse) (enfin si une fois) (j’ai téléchargé un Kindle + Les chants de Maldoror gratuit mais j’ai lâché l’affaire vite, très vite, encore plus vite que vite) (nan, décidément ça ne le fait pas) (pour l’instant) (je réitérerai certainement l’expérience afin de débroussailler le terrain et sélectionner nos futurs achats) (car M’Zèle Divine ne sera jamais conservatrice intégriste : NON MAIS OH !).

M ZELE DIVINE

Une Réponse

  1. mikehammerpapatamandropov | Réponse

    Imparable ! (et joliement dit)

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